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Parallèle / Regionale 19

Parallèle / Regionale 19, vue d’exposition, ©K.Stöber

Baktash Sarang / Franziska Furter / Mireille Gros / Saba Niknam / Maren Ruben / Maria Tackmann / Marianne Mispelaëre

  • Date de début : 01.12.2018
  • Date de fin : 24.02.2019

Vernissage : 01.12.18 > 18h

 

Dans la vidéo présentée Parallèle I*, Harun Farocki montre l’évolution des techniques de l’image numérique dans le champ du jeu vidéo et plus largement les différences entre générations d’images. Et ce faisant, la marge de notre liberté et de notre capacité à trouver place dans les programmes qui sont le réel de toutes les images. On peut relier l’analyse propre au travail de Farocki à plusieurs moments historiques de puissantes mutations. Époques dans le fond assez proches de la nôtre car liées à des révolutions technologiques, à des modes impliquant la transformation des signes et de leur usage de manière inédite. Par exemple au XIXsiècle dans le domaine de la presse : le moment du passage du dessin, reproduit par des bataillons de graveurs opérant de manière quasi concomitante à l’apparition de la lithographie (économie rapprochant l’acte de saisir l’image et son régime de multiplication), et à l’économie de la photo et de la photogravure, techniques se passant tout à la fois de la main du dessinateur que de celle de l’artisan graveur. L’image s’est ainsi progressivement installée dans des programmes de plus en plus abstraits, allant des procédures mécanisées à celles des langages et des programmes informatiques; de la prise de vue, comme on dit encore, à la reproduction et diffusion en des espaces à large valeur d’exposition ou de communication.

Le dessin est lié à des programmes et des codes dans lesquels se meut tout dessein. Un simple crayon, un simple pinceau avec de l’encre, sont des programmes potentiels de même qu’un langage d’ordinateur, noir/blanc ou 0-1, la différence reste qui du programme ou du dessinateur garde la main. Dans les films de Farocki la question de la manipulation n’est jamais absente.

Introduire à la question du dessin par le travail d’investigation opéré dans des grammaires de signes d’éléments naturels (végétation, vent, feu, vagues, etc.), plus globalement dans les gestes et la mimesis, revient à fixer le focus non sur des schémas de fascinations liés à des techniques et leur progrès (sans les ignorer: de Lascaux aux images virtuelles), ni sur les manières ou les contenus (diversité infinie des formes d’expressions et des concepts), mais de la capacité à simuler, à abstraire la réalité, à représenter – rejouer – le réel à notre image. En somme, éprouvant le monde en actes nous nous l’approprions par inscription, par sa mise en récit et en lecture.

Ce projet vise surtout à explorer et interroger le dessin comme symptôme de nos rapports mimétiques à ce réel auquel nous appartenons. Maurice Merleau-Ponty, dans un texte écrit en 1960**, éclaire magnifiquement la question:

«L’image n’est pas une copie, une seconde chose, elle est ce qui rend possible la duplicité du voir (voyant/visible). On a cru qu’un dessin était un décalque, une copie. Mais l’image n’est rien de pareil. Elle n’appartient pas à l’en-soi. Elle est faite de la même étoffe que mon corps : voyant et visible. Elle est le dedans du dehors et le dehors du dedans, l’énigme de l’imaginaire. Par elle l’imaginaire vit dans mon corps, exposé aux regards. Le tableau n’offre pas à l’esprit l’occasion de repenser les rapports entre les choses. Il épouse les traces du regard, de la vision du dedans. Il tapisse la texture imaginaire du réel. Nos yeux de corps sont plus que des récepteurs, ils sont des computeurs du monde. Ils ont le don du visible. La vision n’apprend qu’en voyant, elle n’apprend que d’elle-même. L’oeil est ému par un certain impact du monde».

*Parallèle I, vidéo de Harun Farocki en 4 chapitres – 2012/2014

**L’oeil et l’esprit, Maurice Merleau-Ponty, 1964