Devenu sourd à la suite d’un accident survenu dans son enfance, Joseph Grigely a fait de ce handicap le principal moteur de sa production artistique. Depuis les années 1990, il utilise dans ses œuvres les conversations écrites pour communiquer au quotidien avec son entourage : morceaux de papier sur lesquels des personnes « entendantes » ont écrit des notes, des noms ou des phrases. Ces instantanés qu’il intitule Conversation pieces (en écho à un genre pictural du 18e siècle représentant généralement un groupe de personnages en train de discuter) font apparaître les hésitations, les bégaiements, les reprises, les ellipses qui caractérisent l’usage de la langue parlée. Il tend ainsi à rendre visible une conversation, à donner une forme visuelle au discours oral. Plaçant au cœur de sa pratique la question de la communication et des différences entre parole et écrit, lecture et écoute, l’artiste intègre dans sa pratique le concept de narration dans sa dimension la plus ordinaire : les histoires qui font partie de notre vie quotidienne.
En 2003, il réalise un tirage grand format dont le texte est issu de ces Conversation pieces mises bout à bout avec des couleurs (orange, rouge et noir) afin de différencier les « voix » aux origines inconnues. Ces fragments polyphoniques ont par la suite été reproduits dans l’ouvrage Blueberry Surprise, 2006 (aux éditions mfc-michèle didier) duquel sont extraits les stickers qui ponctuent le parcours de l’exposition. Détachés de leur contexte, ces bouts colorés de conversations anodines deviennent dans l’espace et dans le temps, des messages mystérieux et poétiques, déclenchant l’apparition d’images mentales.
Déjà présentées dans Rose, la précédente exposition, de nouvelles phrases apparaissent dans Seymour comme un trait d’union entre ces deux personnages et ces deux expositions