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Patric Binda

Servant à entretenir la tenue de nos chaussures, les embauchoirs empruntent par procuration la forme de nos pieds. Avec Schuhleiste, l’artiste en présente plusieurs, mais d’une étonnante diversité d’aspects et de tailles, tous parfaitement monstrueux. À l’instar de Boucle d’Or découvrant les bols de différentes tailles dans la maison des ours, notre imaginaire galope pour deviner quels êtres prennent chair à partir de ces substituts. Seraient-ce les protagonistes de ses portraits hybrides ?

Les deux premiers prennent la forme de peintures à l’huile classiques. Dans ces réinterprétations de tableaux de maîtres, les personnages aristocratiques qui sont dépeints portent les mêmes vêtements et sont figés dans les mêmes poses que sur les œuvres originales. Toutefois, ils se voient gratifiés de proéminences diverses, excroissances de peaux en colimaçon et cornes, bizarrement similaires aux coiffes médiévales, hennins et autres escoffions. Naturels et portés avec une telle désinvolture, ces curieux appendices nous désarment et nous accoutument très vite. Sans aucun doute, le monstre – s’il l’est encore – s’assume.

On reconnaîtra peut-être le visage si particulier du roi d’Espagne Philippe IV, tant portraituré par Diego Velázquez ; on n’en saura en revanche pas plus au sujet de sa mystérieuse voisine, reprise d’une peinture dont on ne connaît ni l’auteur ni le modèle.

Ils semblent être les lointains descendants des personnages dépeints sur les Fresko Fragment : satyres cornus à cinq ou six yeux, homme à la barbe de chair. Prenant l’apparence de fragments, ces artefacts laissent imaginer l’existence d’une fresque antique ou moyenâgeuse dont ils seraient issus. Ils nous plongent ainsi dans une étrange familiarité, sans que l’on puisse préciser ce qui est de l’ordre de la mémoire et ce qui s’y soustrait.

Les œuvres de Patric Binda évoquent tout autant les mythes anciens que l’esthétique de la science-fiction et du fantastique – sans oublier les nombreuses pratiques de modifications corporelles : scarification, implants sous-cutanés ou bagelheads. En jouant avec les références historiques et en y injectant du magique et de l’humour, l’artiste nous interroge sur notre humanité, dans ses différences et dans ses marges, en regard de notre imaginaire collectif.

 

Patric Binda est né en 1970 à Bâle (Suisse) où il vit et travaille.

Site web de Patric Binda

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  Il ne faut pas en vouloir aux événements.