Eszter Wolf est née en 1973 à Budapest, où elle vit et travaille.
« Mon travail est principalement guidé par l’initiation d’une conversation sur l’indicible.
Je suis inspirée par une sorte d’intensité, quelque chose qui a un effet physique et sensuel sur moi. Ces expériences, ces impacts que je traite à travers mon art, sont comme ceux de n’importe qui d’autre, ce sont des expériences de la vie quotidienne – pour ainsi dire – universelles.
Les émotions sont des sentiments perçus par le corps, et donc transmis comme des données physiques à la cognition. Avant la mentalisation, je trouve qu’il existe un champ de possibilités, c’est pourquoi on l’appelle aussi l’espace transitionnel (cf : Winnicott, 1951). Lorsque je travaille, je m’attarde dans cet espace et je m’efforce de conserver les données entrantes sous cette forme non traitée et dé-mentalisée aussi longtemps que possible afin de pouvoir les analyser d’une manière différente, non mentale. Ensuite, je cherche d’autres équivalents physiques qui sont en quelque sorte de nature similaire à l’original.
Ces équivalents (couleurs, formes, symboles-signes, matériaux) s’additionnent pour créer une autre forme de réalité physique, c’est-à-dire l’œuvre d’art. Dans ce processus de transition, une certaine forme de cristallisation personnelle a lieu. Pour donner un exemple, je dirais que c’est comme la fabrication d’une soupe. Vous avez les ingrédients, le processus, les circonstances de la création. Vous pouvez utiliser les mêmes ingrédients, mais en quantité ou en qualité différentes. Vous pouvez avoir le même processus, mais les circonstances seront différentes à chaque fois. Personne ne peut jamais faire deux fois la même soupe. Ce que j’aime particulièrement dans cette métaphore, c’est qu’elle est non seulement différente à chaque fois, mais qu’elle est aussi très personnelle.
Ces intensités – innommables – sont très articulées et très spécifiques. Pourtant, il est difficile de les exprimer avec des mots. Ou, si l’on essaie, on a l’impression que quelque chose s’est perdu en cours de route. C’est là que la création visuelle et sensuelle a, selon mon expérience, un rôle essentiel.
Nous avons une culture très verbale et conceptuelle de nos jours, c’est donc un soulagement pour moi de laisser tout cela derrière moi et de « penser » et « parler » par cette voie plus sensuelle de tout ce qui compte pour moi. Les différentes phases de ce processus de non-interprétation, de non-évaluation, mon processus de travail, me donnent la perspective de toutes sortes d’aventures. Comme le travail consiste essentiellement à trouver les meilleurs équivalents, il s’apparente à de l’investigation et de l’archéologie. Et l’utilisation du pinceau reste inévitable.