Après avoir étudié à l’École des Beaux-Arts de Buenos Aires et réalisé un travail essentiellement sculptural dans les années 1960, David Lamelas a fait évoluer cette pratique en produisant des formes sculpturales immatérielles. Installations lumineuses et vidéos lui permettent alors d’interroger l’image au détriment de l’objet, son statut et les relations qu’elle entretient entre la fiction et la réalité, le simulacre et la vérité, questionnements à l’origine de l’art et déjà soulevés par Platon dans La République.
L’œuvre «Projection», présentée dans le cadre de l’exposition Les Séparés est directement liée à ces réflexions. Par l’utilisation de deux projecteurs de film 16 mm positionnés dos à dos qui ne projettent rien, si ce ne sont des rayons lumineux, l’un sur un mur, l’autre directement sur le spectateur, David Lamelas confronte et englobe ce dernier dans une sculpture de l’espace. Un espace à la fois physique, lumineux, cinématographique – amplifié également par le bruit de la pellicule qui tourne – et mental, dans lequel le spectateur est amené à imaginer ses propres images à projeter sur l’écran.
Il est bien question ici de « séparation », à la fois formelle et conceptuelle. L’écart entre le dispositif, l’atmosphère cinématographique et son résultat, qui n’est que lumière sans image, produit une mise en abyme saisissante : David Lamelas montre une fiction même du dispositif fictionnel qu’est le cinéma par excellence, au cœur duquel se trouve le spectateur devenu acteur.