Les artistes ont été lauréates du programme de soutiens individuels du CEAAC, en partenariat avec la Région Grand Est en 2015, pour poursuivre leurs projets de recherche respectifs à Dubaï et en Guyane.
Marie Quéau
Odds and ends
« Littéralement, Odds and Ends désigne les choses qui trainent, ces objets qui n’ont trouvé leur place nulle part et qui restent à la fin d’un déménagement ou après un départ. Sous ce titre Marie Quéau réunit des images de provenances diverses, qu’elle organise en une histoire immobile et muette. […] Les photographies jouent de ce qui leur échappe, leur choix et leur rapprochement dessinent les contours de ce qui manque. Ce qui est arrivé ne peut être montré. Nous sommes contraints de déduire, à partir de ce qui nous est donné à voir, l’étendu de la catastrophe.[…] La construction du travail joue avec les figures de la Science-fiction, l’artiste y puise des tropes qu’elle déplace dans le champ photographique. Elle joue avec la frange la plus radicale de la SF, celle qui délaisse les accessoires spectaculaires, vaisseaux spatiaux et civilisations extra-terrestre, pour s’intéresser aux paradoxes du monde présent. Dans la plupart des cas, il n’y a souvent au départ qu’une très légère distorsion. C’est cette distorsion, amplifiée et menée à son terme qui sert de base à un exercice de pensée sur le monde. Nulle surprise que les périodes d’or du genre coïncident souvent avec celles où l’incertitude scientifique et politique se fait la plus forte.[…] Loin d’être un handicap, les seuls moyens de l’image amplifient la puissance narrative à l’œuvre. C’est dans des lieux sans qualités que se joue la bascule dans un futur qui nous échappe déjà. Nul besoin de montrer l’inimaginable quand nous ne parvenons pas déjà à penser ce qui est sous nos yeux… Ces lieux et ces techniques qui fondent nos existences urbaines se retrouvent dans les images d’Odds and Ends. L’homme, devenu un élément secondaire de ces dispositifs, semble s’être absenté laissant la technique et la nature se fondre à nouveau l’une dans l’autre. […] Nous sommes devant les images comme devant les preuves d’une chose qui nous dépassent. L’artiste maintient pourtant un lien au sujet, une légende claire de ce qui arrive à l’image. Ce n’est pas pour en amoindrir l’effet, mais au contraire pour signifier que c’est du présent dont il est question. Ce qu’il en restera est peut-être déjà visible, déjà là, dans les arrière-cours, au bout des pistes d’aéroports, des objets déjà prêts pour être les ruines d’un futur qui approche. »
Extrait du texte de Nicolas Giraud, Le paysage d’après, 2016
La série Odds and ends a reçu le soutien de l’École Municipale des Beaux Arts de Châteauroux, de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC) Grand Est, de l’Observatoire de l’Espace du Centre National d’Études Spatiales (CNES), du Centre Photographique d’Ile-de-France (CPIF), de la Cité internationale des arts, de Carré sur Seine Galerie d’Art de Boulogne Billancourt, de la Direction des Affaires Culturelles (DAC) de Guyane, du Centre National des Arts Graphiques et Plastiques (CNAP).
/
Marie Quéau est née en 1985 à Choisy le roi (94), elle vit et travaille à Paris durant sa résidence à la Cité internationale des arts.
S’éloignant de son sujet premier pour en dévoiler les ambiguïtés, les photographies de Marie Quéau reflètent un monde à bout de souffle mais toujours vivant. Autour d’un univers étrange et atemporel, elle construit des images inspirées par l’imaginaire collectif et la science-fiction. Cultivant un goût pour rapprocher des images étrangères et de sources disparates, elle considère ses photographies comme des débris ou des résidus d’événements. La série Odds and ends se présente comme une investigation en photographie à propos des signes de la fin du monde.
Jacqueline Taïb
My Super Sexy Towers
« J’ai décidé de m’approprier les symboles universels: les Tours (du monde), de faire disparaitre leur structures érectiles, de les féminiser, et de les faire passer de décors de Comics à de Super-Héroïnes.
Je me suis intéressée auparavant à la question de l’échelle des grattes-ciels, comment les saisir dans leurs démesures, comment s’approprier cet élément dans notre paysage.
J’ai eu envie de montrer ces buildings (non pas dans la réalité, définie comme espace et temporalité, mais dans ma réalité), comme elles m’apparaissent, de mon point de vue, à mon échelle, instables et vacillantes, insaisissables avec leurs façades miroirs, faites de reflets célestes.
Mes tours évanescentes, aux contours peu perceptibles, se dissimulent dans le ciel avec un jeu d’allers-retours:
la tour propulsée dans le ciel et le ciel reflété dans la tour.
Transparentes et invisibles, les tours miroirs, reflets de notre société, sont un échantillon, une carotte du village monde. Et débarrassée de leur structure, des codes établis par un pouvoir historiquement masculin, je laisse place à la couleur, à la fluidité, à la frivolité et peut-être au sexy…for My Super Sexy Towers. »
Jacqueline Taïb, 2017
/
Née en 1968 à Lyon
Vit et travaille à Strasbourg.
« Mon travail s’articule autour du paysage urbain, des chantiers, des constructions, des architectures en devenir et des paysages à venir. Ces sujets alimentent une réflexion permanente sur la place de la peinture dans l’image contemporaine, sur la différence entre des représentations issues de couleurs matérielles et fluides, inscrite dans la durée, rémanentes, et cependant, dialoguant avec une imagerie instantanée, volatile, reproduite et éphémère. »