Humoriste conceptuel qualifié de « maître du fantasque, dont les travaux possèdent un charme et une intelligence absurde parfois digne de Samuel Beckett », William Wegman a obtenu une reconnaissance internationale pour son travail de peintre, de dessinateur, de photographe et de vidéaste. Bien qu’il soit aujourd’hui plus connu pour les portraits mis en scène de ses Braques de Weimar, il reste une des figures les plus originales de l’histoire de l’art conceptuel de la fin des années 1960, à travers notamment ses photographies et vidéos basées sur de performances dans lesquelles les préoccupations didactiques de l’art de l’époque sont poussées à l’extrême.
Repérables entre toutes depuis la fin des années 1970, ses photographies et ses vidéos s’attachent à travestir les chiens successifs de l’artiste (Man Ray puis Fay Ray) dans des saynètes pour lesquelles ils adoptent, entre docilité et soumission, les poses et les attitudes humaines. Le film The Hardly Boys in Hardly Gold (1995) présenté dans l’exposition invite ainsi à suivre – entre deux parties de tennis – l’intrigue mystérieuse et loufoque de ces chiens anthropomorphisés en détectives amateurs pour sauver leur tante Gladiola mais aussi et surtout le lac Rangeley d’un désastre écologique. Prêtant à rire, leurs mises en scène relèvent d’un comique de situation à mi-chemin entre le burlesque et la fable moraliste. Mais la systématisation de ces farces engendre un univers où le banal, subvertissant le quotidien, fait glisser l’œuvre de Wegman vers une vision pessimiste et tragique de l’humanité.
En dépit de leur apparence parfois fantasque, ses œuvres induisent en effet une inquiétude sous-jacente ainsi qu’une certaine mélancolie face à la disparition de l’enfance et de l’état de nature que l’on retrouve dans ses peintures et dessins récents. Adoptant une esthétique vieillotte inspirée d’ouvrages encyclopédiques destinés à la jeunesse des années 1950, ces toiles d’aspect kitsch et naïf donnent à voir, dans un espace frontal, des architectures synthétisant différents styles, époques et civilisations. Aujourd’hui encore William Wegman aborde le dessin et la peinture dans la perspective de ready-made rectifiés, à base de photos trouvées et de cartes postales que l’on retrouve dans l’exposition.