Dans le champ élargi de la sculpture, le travail de Simon Nicaise se réfère à son environnement proche son atelier tout particulièrement – ainsi qu’aux matériaux qui le compose. Ses oeuvres contiennent ou exacerbent une puissance qui affecte parfois même l’espace d’exposition. La réalisation des oeuvres, qu’elles soient construites de toute pièce ou le résultat d’une série de transformations, est toujours très soignée. Cette rigueur, associée à des gestes d’une intensité rare, s’allie avec subtilité au désordre et à l’excès. A partir d’actions simples – assembler, percer, aimanter, suspendre… – , Simon Nicaise détourne les objets de leur fonction ou de leur signification initiales. Dans leurs nouveaux modes d’existence, ils semblent dotés d’un pouvoir (d’attraction et de destruction, au sens propre comme au sens figuré) aussi puissant qu’éphémère.
(…) Ce qui est mentalement et physiquement déconcertant dans le travail de Simon Nicaise n’est pas dû à un dysfonctionnement de l’objet lui-même mais au programme « défaillant » qu’il y introduit. Les procédés que l’artiste façonne et « fictionne » confèrent aux objets une inquiétante autonomie qui les relie à la « machine ». La dimension domestique et la reconnaissance des objets convoqués, offrent la possibilité d’un sentiment de déjà vu d’autant plus troublant.
(…) Déviés ou altérés, les objets et les processus convoqués dans les oeuvres témoignent de la position critique de l’artiste à l’égard des notions de progrès et de productivité. Animé par une dynamique (une poétique) de l’anéantissement constructif, son travail entretient des rapports complexes avec la temporalité. Parfois, il tente de briser le déroulement irréversible du temps en accélérant ou en ralentissant le cours des choses.
(…) Une mélancolie persistante accompagne l’artiste dans ses recherches formelles et dans son travail sur la matière. Les rapports contradictoires que celui-ci entretient avec les objets oscillent entre obsession et rejet, érotisme et violence. Enflammées ou apathiques, les alliances intrigantes qu’il compose rendent visibles ces tensions et allégorisent plus largement la nature ambiguë de toute chose.
Extraits d’Introducing: Simon Nicaise , Lionnel Gras, Art
Press, n°419, février 2015