Sculptures, installations, photographies, éditions, conférences, films, les œuvres de Ryan Gander procèdent d’un réseau de recherches touchant aussi bien de grands sujets que des histoires personnelles que l’on devine de manière parcellaire. Son travail s’inscrit dans une logique conceptuelle et vient matérialiser des bribes de situations vécues, renvoyant à l’histoire de l’art ou d’autres champs de la connaissance, comme à des motifs plus anecdotiques : signes résiduels amputés de leur contexte narratif, rumeurs de phénomènes, échos dont l’origine semble parfois lointaine. Chaque intervention de l’artiste ne se donne ainsi jamais complètement à appréhender et constitue souvent la trace d’un autre récit à reconstituer ou à imaginer par le spectateur.
L’installation You walk into a space, any space, or, Poor little girl beaten by the game, 2010, est composée d’une sculpture en bronze représentant une petite danseuse de Degas, à partir de laquelle l’artiste a déjà réalisé plusieurs pièces, lui permettant par exemple de quitter son socle et son tutu pour fumer une cigarette ou s’absorber dans la contemplation d’un petit cube bleu. Dans une nouvelle séquence narrative, elle est ici accompagnée d’un ensemble de 37 formes géométriques (cube, pyramide, sphère) dispersées sur le sol autour d’elle et dont les trois couleurs primaires (rouge, jaune, bleu) évoquent les fondations de la théorie de la vision de la couleur et la règle de la trichromie utilisée dans de nombreux champs, de la peinture au design. Descendue de son socle et délivrée des contraintes de la sculpture classique, cette petite danseuse semble ici vouloir jouer avec ces formes colorées inspirées du vocabulaire du Bauhaus et de la peinture moderniste. L’artiste la place ainsi dans une situation au carrefour du moderne et du contemporain, faisant d’une certaine manière écho à la personnalité de Rose.