« Morgane Kabiry s’interroge sur les relations complexes entre identité et pouvoir, entre individu et culture dominante, entre liberté individuelle et détermination collective.
Assise entre deux cultures, iranienne et française, son projet la conduit à en manipuler des formes symboliques. Opération délicate, tant les symboles, ces cristallisations de valeurs collectives, ont parti lié avec le pouvoir. Elle la mène sur un mode ludique, avec une innocence feinte, de manière à faire ressentir les enjeux, tout en désamorçant par la mise à distance, les crispations qui pourraient naître de leur apparente réduction à des stéréotypes. Stéréotypes avec lesquels justement elle joue, les rabattant formellement dans l’univers aux moindres conséquences du décoratif.
(…) L’esprit manifeste, dans chacune des pièces, est, on l’a dit, ludique. Il joue des mots et des formes alors que sur le fond le ton est grave. Dans cet esprit d’innocence affichée et de pseudo légèreté, deux lignes apparaissent: l’une prosaïque qui, partant du quotidien pour montrer ce qu’il contient d’illusions et de scléroses grandiloquentes liées à la perte de valeurs, se situe implicitement au niveau du sociétal, l’autre, plus directement axée sur le politique et sa violence intrinsèque. L’approche de chacune des œuvres nous permet de préciser comment opère la méthode de Morgane Kabiry et de remarquer combien le propos est riche et complexe malgré son apparente légèreté. (…) »
Extrait de Poser innocemment les questions qui gênent, 2016, de Jean-Paul Blanchet, critique d’art et commissaire d’exposition.