La peinture de Jérémy Gigandet, Je sais qu’il faut se taire, frappe par la vigueur de son expression, son format imposant et sa composition intuitive. Si l’amoncellement de couleurs vives, de figures imprécises, de corps et de textes agités lui confère un caractère désordonné, l’urgence qui l’imprègne nous exhorte à approfondir notre lecture. Convoquant l’esthétique des graffitis sauvages, la culture urbaine et la verve punk, l’œuvre résonne simultanément comme un cri de révolte et d’exultation face à un monde en déliquescence, en proie à la violence et à la confusion. Les mots éruptent du pinceau impétueux, touchant aux limites du formulable : même si leur articulation reste obscure, ils apparaissent comme nécessaires, à la fois non calculés et parfaitement à leur place, convulsifs, prophétiques : « Au loin le tonnerre gronde ». Sa poésie brute, en forme d’exutoire et confinant à la folie, paraît manifester le combat physique et mental d’un être qui s’escrime à s’émanciper des espaces réglementés et de l’aliénation insidieuse qu’ils nous imposent. L’acte de peindre, expression singulière, primaire et directe, devient une forme de résistance : un doigt dressé face au règne de la passivité et de la bienséance.
Jérémy Gigandet est né en 1996 à Les Genevez (Suisse). Il vit et travaille à Bâle.