En réalité, l’enfance ne nous quitte jamais, et Gombrovicz lui attribue une charge à la fois tragique et dérisoire, empreinte de la pureté et de la naïveté originelles.
Est-ce cette trace d’enfance-mémoire qui se trouve inscrite sur les grands parchemins tannés, les bois et les papiers de Bernard Quesniaux ?
Voici que tout d’un coup surgit un fantastique peuple d’ombres, une collection d’individus noirs, réduisant en accessoires virevoltant et surannés l’environnement grave et quotidien de nos maisons, de nos livres, et même de nos fleurs.
Le réalisme des breloques, ajouté au fantastique des créatures, nous plonge en pleine magie.
Jeux de la fatalité ?
Mais la forme s’estompe, se réduit et revêt la force pure du trait dépouillé. Il n’y a plus que la suggestion d’un visage, un visage silhouette auquel le simple contenu confère une puissance hypnotique.
Il se détache soudain pour flotter en lévitation verticale, et glisser en son propre cosmos.
C’est alors l’envolée, parfois à la vitesse du son des comètes, planètes, pommes, oranges, citrouilles magiques, en forme de destin.
C’est un clin d’oeil aux contes de nos enfances.
C’est aussi l’approche métaphysique et interrogative des grands lendemains.
Avec humilité, avec humour, Bernard Quesniaux chemine vers le dépouillement, le signe essentiel, la quintessence.
On y lit l’aboutissement d’une dialectique fondamentale, on y pressent la résolution d’une profonde complexité ; de permanentes contradictions.
La vérité n’est nulle part, elle est partout : dans la gravité, dans l’ironie, dans le simple trait noir, dans la couleur pleine, dans ces fonds de toile où la mémoire est incrustée.
Mais, voyons, avant tout Bernard Quesniaux nous réjouit le regard réellement, profondément !
Robert GROSSMANN