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Nicolas Schneider

La vie aquatique

Bien que toujours muni d’un carnet, pratiquant de manière intense le dessin et l’aquarelle et ayant un goût prononcé pour les errances à travers le réel, Nicolas Schneider n’est pas un artiste de la représentation au sens classique. Illustrateur voyageur, peintre embarqué, il n’est rien de tout cela. Il serait plutôt un chasseur de rêves, un traqueur de visions. En fringale constante de dessin, l’artiste accumule un nombre impressionnant de carnets de croquis (numérique et papier)

Les feuilletant, on y découvre des esquisses au feutre, au crayon, au pinceau ou au stylo-bille abordant des sujets très variés allant du paysage à la faune, du portrait à des compositions abstraites.

Le trait est libre, fluide comme détendu et les formes sont rondes, assouplies comme encore humides. La sensation d’une image prise sur le vif comme prise en flagrant délit de représentation ou pire, d’expression.

Tout commence par la découverte à pied d’un territoire, d’un lieu, d’un espace.

Ceux qu’il apprécie tout particulièrement sont souvent liés à une étendue d’eau : de l’océan à la plus maigre flaque, en passant par les cours d’eau de tout gabarit. Cette première étape est fondamentale dans son œuvre car au cours de ses pérégrinations Nicolas Schneider ne se contente pas de contempler le réel. À la manière d’un Jean-Jacques Rousseau, il tient un registre de ces promenades non seulement pour enregistrer, à la façon des encyclopédistes la diver-sité du monde mais aussi pour tenir le registre des rêveries, des visions que son esprit libéré par l’acte de la marche, arrive alors à percevoir. Débarrassés des filtres qu’ont apposés à notre regard culture et éducation, l’esprit et la main retrouvent toute leur créativité. Libre, Nicolas Schneider semble suivre les cours d’eau pour atteindre la source de ses pensées. Compilant une large sélection des faits, choses et êtres observés, par écrit ou sous une forme dessinée, dans des petits carnets, l’artiste se nourrit en mouvement.

Le deuxième stade d’élaboration de ses dessins/peintures se déroule alors dans son atelier. Tous les dessins exécutés lors de ses promenades sont numérisés et archivés sur son disque dur. Sur le terrain, Nicolas Schneider a su aller à l’essentiel de la forme en dressant une esquisse de la réalité perçue ou de l’idée lui ayant été inspirée par la contemplation du réel. Ensuite, il peut déployer ces dessins sur des échelles plus vastes en les modifiant par le biais d’un logiciel de traitement de l’image ou en projetant ces images à grande échelle à l’aide d’un vidéoprojecteur.

Cette phase de projection permettra également à l’artiste de reproduire son dessin originel sur le support définitif comme un botaniste transférerait les échantillons récoltés de feuillets de journaux à de véritables chemises d’herbier.Dessiner consiste en une succession de décisions, faire le choix de donner ou de retenir des informations graphiques afin d’obtenir une image satisfaisante. Si l’on considère le dessin comme une succession de traits, on peut facilement faire un rapprochement avec ce qu’est une promenade, soit une succession de direction à prendre ou à laisser. Puis, le parallèle avec ce qu’est une réflexion peut alors être abordé. Certaines techniques de méditation reposent sur la répétition de même gestes afin de libérer le cours de la pensée des contraintes et réflexes corporels. Grâce à la pratique de la promenade, Nicolas Schneider paraît vouloir atteindre un seuil de conscience du monde supérieur ou tout du moins autre ou plus intense. L’artiste semble se projeter plus qu’il ne se promène.L’ultime étape de création est alors la reprise ou l’adaptation d’un de ses croquis, cette fois-ci à grande échelle et le plus souvent à l’aide d’encre ou d’aquarelle. Ce choix des jus d’encre ou d’aquarelles paraît tout à fait correspondre à la notion de réflexion. Mener une réflexion ne consiste pas à l’affirmation d’opinions mais à leur construction. Réfléchir ne consiste pas à tracer une ligne droite à la règle sur une feuille afin de départager le bien et le mal. Penser c’est chercher, délibérer, examiner, douter et même songer. La pensée chemine sans peur des détours, des retours en arrière ou des contournements. Tout comme la Nature, l’esprit ne paraît pas aimer les lignes droites. La fluidité des encres et des aquarelles, leur capacité à se diluer plus ou moins intensément sur le papier sans que l’artiste puisse toujours en maîtriser la circulation rappelle le développement d’une réflexion. Cogitant, l’esprit s’appuiera sur la trame de ce qu’il sait déjà, choisira de suivre des pistes de réflexion tout en faisant l’impasse sur d’autres. Mais ce phénomène ne peut se produire que si on laisse à l’esprit la possibilité de parcourir l’ensemble des arborescences lié au sujet médité. Lors de ces moments de réflexion, il est bon de laisser son esprit s’ouvrir comme une goutte d’aquarelle se déploie sur un papier humecté d’eau.La marche semblant favoriser la créativité de l’artiste. Surgissent alors de son esprit des visions que des extraits issus des carnets de Nicolas Schneider restituent en partie.

Gerald Wagner

Texte publié dans le Cahier pédagogique de l’exposition Wanderung /promenade au CEAAC du 26 juin au 20 octobre 2013.

 

www.nschneider.fr

Exposition(s) en lien :

  Wanderung / Promenade