Travaillant avec différents média, Jan Hostettler développe un jeu qui fait intervenir le hasard dans ses compositions. Les idées de mouvement et de trompe-l’oeil caractérisent sa pratique artistique, située entre peinture et sculpture. Il réalise des propositions dont la matérialité se transforme constamment et dont il trafique parfois la perspective et l’échelle. De la sorte, des images coulent des murs, des dessins se redessinent sans cesse et des formes semblent flotter.
Avec Meta, Jan Hostettler présente quatre nez en pierre sur un socle. Leur provenance nous est sommairement indiquée par l’artiste : prélevés à coups de marteau et burin sur la façade d’une vieille maison promise à la démolition, ils sont les rescapés anonymes de cariatides aujourd’hui réduites en poussière. Ironiquement et comme en attestent les vestiges de la statuaire antique, le nez constitue bien souvent l’élément absent, perdu et devenu simple caillou parmi les cailloux. Ce sauvetage intrépide se situe à l’improbable frontière entre le geste de l’archéologue et celui du vandale ou de l’iconoclaste. La violence de la défiguration se mue ici en un acte bienveillant, une objection face à l’inéluctable marche de l’oubli – comme le suggère d’ailleurs le titre, préfixe provenant du grec qui signifie « après », « au-delà de », « avec ».
Poursuivant cette réflexion, Jan Hostettler nous propose Sarmizegetusa, une peinture qui représente un immense pavé autobloquant en terre cuite, vu de trois quarts, dans une composition parfaitement centrée. Pesant et monumental, il flotte comme suspendu dans la blancheur du papier. L’auteur a ramassé le pavé qui lui a servi de modèle dans les ruines de Sarmizegetusa, capitale des Daces au premier siècle de notre ère et située dans l’actuelle Transylvanie. Finement broyé et réduit en poussière, il a servi de pigment pour la réalisation de la peinture. Le pavé original, bien que détruit, n’a pas disparu : il s’est métamorphosé pour devenir médium de sa propre représentation. Ce changement de matérialité et de densité met à mal nos réflexes quant à la façon de considérer une image : ceci est-il bien un pavé ? Sarmizegetusa questionne la mémoire et l’oubli, l’état et le devenir des choses en détournant la conservation archéologique. En matérialisant le passage d’objet historique à objet artistique, de palpable à impalpable, Jan Hostettler interroge cette capacité presque magique que l’on attribue parfois à l’artiste : immortaliser.
Jan Hostettler est né en 1988 à Soleure (Suisse). Il vit et travaille à Bâle.