L’installation met en scène Raoul Pictor, personnage animé, dans une activité de création. On aperçoit à l’écran le peintre à l’œuvre dans son atelier. Il est identifiable par son béret basque et son écharpe. Il arpente la pièce, feuillette un livre en quête d’inspiration, puis se met à peindre sur une toile posée dos au public, sur un chevalet. Au bout d’un certain temps, Raoul Pictor quitte l’écran, sa toile achevée sous le bras.
L’œuvre quitte le monde virtuel pour pénétrer la réalité de la salle d’exposition : la création graphique est imprimée sur une imprimante couleur installée à proximité de l’écran. C’est une pièce unique, générée de manière aléatoire par un programme à partir d’une multitude de couleurs et de motifs possibles. Une fois l’impression lancée, toutes les données concernant l’œuvre disparaissent, rien n’est conservé sur le disque dur. L’œuvre devient ainsi une création unique. Comme il se doit, le motif imprimé est signé, daté et numéroté et le visiteur peut l’emporter. Une mention en latin imitant une signature de la main du peintre fait allusion, avec humour, à la peinture de la Renaissance qui a introduit la notion de « main de maître ».
L’artiste suisse Hervé Graumann a étudié l’art à Genève ; il y occupe aujourd’hui un poste de maître de conférence. Ce sont les machines qui constituent l’œuvre qui lui ont inspiré Raoul Pictor cherche son style… Selon les propos de Graumann, l’ordinateur présenté dans le cadre de l’exposition et avec lequel il a lui-même élaboré le programme, de même que l’écran et l’imprimante couleur, lui sont apparus comme de parfaits outils pour créer de manière nouvelle. D’après lui, le personnage fictif d’un artiste qui agit automatiquement trouve sa raison d’être aujourd’hui encore. Presque 20 ans après avoir créé le personnage de Raoul Pictor, l’artiste le fait revivre en adaptant l’œuvre aux technologies actuelles de l’iPhone.
Mesures de conservation
C’est la version originale de l’œuvre qui est présentée. Elle comprend un écran CRT et une imprimante – tous deux d’origine – installés
dans une vitrine réalisée à cet effet par l’artiste. L’ordinateur reste, lui, invisible au spectateur. Une panne qui induirait éventuellement le remplacement de l’écran et de l’imprimante par d’autres modèles plus actuels compromettrait la présentation authentique de l’installation.
Pour prévenir ce risque, c’est la stratégie de conservation du matériel informatique, également connue sous le nom de « hardware preservation » qui a été privilégiée dans le cadre de cette étude de cas. Bien qu’ils ne soient plus fabriqués depuis plusieurs années, l’ordinateur, l’écran et l’imprimante – à l’époque largement répandus sur le marché – peuvent être aujourd’hui achetés d’occasion.
La collection du FRAC Alsace peut donc remplacer les éléments d’origine en cas de panne. Il faut néanmoins noter que ces équipements techniques n’ont qu’une durée de vie limitée.
Outre l’achat de matériel de remplacement pour constituer des réserves, il est nécessaire de faire une copie de sécurité du disque dur afin de limiter le risque de corruption ou de perte des données. Dans ce cas précis, une sauvegarde redondante des données est recommandée (cf. glossaire).
Parallèlement aux actions engagées par le FRAC Alsace pour préserver l’œuvre, l’artiste a pris des mesures pour conserver le concept de l’œuvre. À l’origine, l’œuvre de Graumann a été développée avec le système–auteur Macromedia Director. En 2006, Graumann conçoit une version en ligne de l’œuvre pour laquelle il utilise le langage de programmation ActionScript qu’il transpose ensuite en application pour l’iPhone de Apple en 2009. Il a pour cela recours aux services d’un programmeur. La stratégie de conservation choisie ici est celle de la réinterprétation : le concept de l’œuvre est reproduit sous une nouvelle forme grâce à différentes technologies. L’avantage de cette stratégie est qu’elle permet d’éviter des problèmes de conservation liés au matériel informatique. Néanmoins, elle a souvent pour conséquence l’altération du fonctionnement et de l’aspect d’origine de l’œuvre.
Photos: ONUK