Mettre le sens hors-champ, quelques mots sur un art rock’n roll
J’ai trouvé dans le travail de Guillaume quelque chose comme un refuge. Il nous extirpe de cet art sur-référentiel qui se contente de la vérité bien triste de l’infini jeu des masques du logos (quand on retire les pelures d’oignon et qu’on ne trouve jamais le réel, comme le pauvre Patrick Mac Gowan dans la série le prisonnier qui arrache les masques de tous ses adversaires mais ne trouve jamais le numéro 1). Cette fascination pour le vide toujours planquée derrière un fatras référentiel plus ou moins creusé par des artistes plus ou moins sachants a fini par m’épuiser. L’art de Guillaume vient comm une sorte de remède à cette maladie là, à ce cynisme dégouté de la réduction ad absurdum au langage (au «culturel»). Guillaume produit une tentative plus ou moins désespérée d’en finir avec la médiation. Il fait comme les musiciens de l’acousmatique : il masque ses sources pour débrancher l’analyse.
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Clément Rosset a dit du réel qu’il est idiot (du grec idios – soi même), c’est à dire qu’il n’est que lui même. Qu’il n’a pas de double, pas de double-fond, pas de sens, pas de nom, pas de lois. Qu’il est justement illisible. Qu’il est un enchaînement insignifiant de singularités. Guillaume approcherait alors dans son art un «point Rosset». Ce n’est
pas un abandon de poste, c’est tout le contraire. Cette insignifiance n’est pas la fin de la civilisation, mais son début. Partout où le logos a frappé, c’est à dire partout, il faut inventer des stratégie de fuites. Des hors-champs. L’utopie est là, potentiellement partout, partout dans les plis, par définition insaisissable.
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C’est en ce sens que Guillaume fait un art rock’n roll : rien ne fait référence au rock dans son travail (à part l’ampli guitare qui apparaît dans le miroir de «Hors-champ»). Mais le rock fait du Alimoussa. Iggy défait la médiation de la musique qu’il régurgite comme un réel brut, idiot. Il s’attaque à l’héritage symbolique et abstrait avec de la matière brute. Il dissout la culture dans dans le réel. Il assume une pure contingence à la matière. Le bruit des guitares n’est rien d’autre qu’une mise en oeuvre de l’entropie, la destruction de toute forme aussi pure et parfaite qu’elle ai pu être. La destruction d’où n’émerge pas tant une nouvelle forme sur laquelle on pourrait mettre la main, que la possibilité du nouveau, lourde comme l’air.
Guillaume Ollendorf, 2013.
(Extraits)