still living est une série d’œuvres d’Antoine Schmitt créée en 2006 et composée à l’heure actuelle de dix éléments. L’Espace Multimédia Gantner en a acquis trois pour sa collection : H, I, J. Chaque élément est indépendant des autres et autonome, sans interaction hors de l’œuvre, à part le jour et l’heure de l’ordinateur qui apparaissent à l’écran, soulignant l’exécution du programme en temps réel.
Ces installations sur écran représentent des graphiques issus du monde de l’entreprise et de la Bourse : courbes, camemberts, barres… Ces graphiques sont en mouvement, animés par des forces internes, des algorithmes conçus par l’artiste.
still living H représente trois barres verticales, ainsi qu’un camembert : seules les zones colorées, tantôt bleues, tantôt rouges, bougent, la plupart des surfaces restant blanches et immobiles. Le mouvement, un léger balancement, est subtil.
Dans sa composition, still living I met en avant deux courbes, bleue et rouge, symétriques horizontalement, et qui se croisent. Le lent mouvement, imprévisible, est également visualisé par des barres et un camembert.
still living J suit une courbe frénétique, nerveuse, aléatoire, proche d’une représentation de la Bourse. A côté de la courbe verte, un camembert et des barres plus petits suivent le même mouvement fougueux.
Avec still living, il s’agit pour Antoine Schmitt de proposer pour chacune des œuvres de la série une qualité de mouvement particulière, motif central de son travail. Pour cela, il a porté une attention particulière à l’aspect visuel (composition, couleurs, typographie, éléments graphiques d’un formalisme industriel et capitaliste) afin de le rendre transparent. Les graphiques animés sont la manifestation du mouvement sous-jascent. Ils en sont la visualisation choisie par l’artiste afin de mettre l’accent sur leurs différentes qualités. L’artiste a travaillé à la mise en forme de modules aléatoires mais a également assemblé, par un montage aléatoire en temps réel, des fragments de mouvements enregistrés. Ces mouvements, extraits du vivant ou imitant l’humain, éclairent le titre de la série, des natures mortes devenues vivantes grâce aux algorithmes du programme.
Antoine Schmitt est un artiste plasticien français qui utilise le code comme matériau de travail pour explorer la notion de mouvement et son rapport avec la forme depuis les années 1990. A l’origine ingénieur programmeur en interactions homme-machine et en intelligence artificielle, il développe une série d’installations – des dispositifs sur écran, en ligne ou dans la ville – souvent minimalistes.
still living est une de ses pièces les plus formalistes, et les plus politiques dans le regard que la série porte sur la quantification du réel et du vivant.
Mesures de conservation
L’oeuvre still living peut être installée sur des ordinateurs contemporains. Conçue grâce à l’environnement Director (version 10), elle fonctionne sous les systèmes d’exploitations Mac OS X et PC actuels. Cependant, le développement de Director étant quasiment abandonné par Adobe, l’entreprise qui en est propriétaire, il est nécessaire de réfléchir à la mise en place de stratégies de conservation autres que la migration et hors de l’environnement de création de still living.
Le cœur de l’œuvre est le mouvement programmé. L’exécution en temps réel du programme de l’œuvre qui permet la qualité recherchée du mouvement est indispensable à l’intégrité de still living ; il ne s’agit pas de réaliser un enregistrement de l’image ou des données pour les rejouer ensuite.
L’articulation entre le mouvement et sa relation à la forme est également un élément important de l’œuvre. Les algorithmes qui permettent le mouvement et les graphiques animés peuvent être dissociés lors d’une mise à jour de l’œuvre. Plus que le code source (qui inclut les éléments graphiques), il s’agit de conserver l’algorithme du mouvement. L’algorithme central pourrait, si nécessaire, être transposé dans un autre langage à condition de garder la même qualité et dynamique de mouvement qu’à l’origine. Quant à l’aspect visuel très travaillé, ce formalisme capitaliste, le code de cette deuxième catégorie peut aussi être remplacé, à condition que le rendu visuel soit le plus proche possible des spécifications de l’œuvre définies par l’artiste. L’artiste a défini un certain nombre de paramètres : composition (disposition dans l’espace des différents éléments graphiques), couleurs, typographie, cartel (titre de l’œuvre, heure de l’ordinateur), netteté du pixel, grain de l’œuvre…
Dans le choix d’un nouvel environnement de programmation, la contrainte sera de permettre de fabriquer des programmes autonomes qui fonctionnent et de dessiner des graphiques. Une dimension supplémentaire pour la pérennité de l’œuvre est de sélectionner un logiciel libre qui soit largement utilisé.
Suite à des expériences avec des œuvres qui ne fonctionnaient plus et qui l’ont obligé à les reprogrammer pour pouvoir continuer à les montrer, Antoine Schmitt prend en compte la pérennité de l’œuvre au moment de la vente de celle-ci : il fournit l’œuvre en tant que programme exécutable, le mode d’emploi de celle-ci (instructions d’installation et de présentation), le code source de l’œuvre
dans l’environnement actuel afin de pouvoir permettre une maintenance par l’acquéreur.