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Pascal Henri Poirot

C’est du confort des univers familiers que jaillit le fantastique. Le regard et les sens, attirés par les douces couleurs et le moelleux des canapés, s’étonnent et s’amusent d’y surprendre la vitalité libertine ou belliqueuse de tout un petit peuple de figurines qui s’échappe de sa fonction ornementale.

Nés quelquefois au hasard des bigarrures colorées du mobilier, végétaux personnages, monstres et animaux semblent issus d’herbiers ou d’ouvrages ethnologiques et érotiques. Les canapés déserts sont d’autant plus troublants qu’ils éveillent le souvenir d’une musique de chuchotements, de rires lointains et de petites cuillères que l’on tourne dans une tasse de thé.

Le méticuleux contrecollage des papiers froissés et préparés par toute une alchimie culinaire à un vieillissement prématuré, participe à cette sollicitation de la mémoire.

L’ouvrage du support « texture » et rythme subtilement l’espace, inscrivant stratigraphiquement lignes et volumes contre ou à l’encontre desquels se déterminent les motifs surajoutés. Paradoxalement ces « pierres de rêve » (paésines) de fabrication accélérée vont être le support de constructions géométriques et non de visions paysagistes.

Le répertoire, comme issu du monde d’Escher, s’inscrit en abîme sur les paravents. Labyrinthes, escaliers, pyramides et autres constructions se greffent sur le mobilier ou flottent oniriquement, se renversant quelquefois. Les « Chambres » ont dû naître de ce déplacement des volumes dans l’espace.

Volumes où la peinture reste essentielle, ces chambres « funéraires »?… sont aussi nuptiales quand elles font plaisamment du spectateur un voyeur. Contemplant l’intérieur de la yourte, soit par en dessous -douce coquinerie-, soit en lorgnant par une petite fente ironiquement préméditée, le spectateur retrouve l’onirique désordre des redondantes constructions où s’affirme le désir de ne rien abandonner de ce qui appartient à l’élaboration de la création.

Amalgame dérisoire autant qu’ordre encyclopédique, les « Inventaires » sont l’aboutissement de cette volonté de déclinaison topographique des différentes formes volumétriques. Ils s’offrent à notre lecture sur un mode plus simultané que ne le faisaient les Livres et Cahiers d’esquisses dont est issu ce microcosme et constituent un univers offerts aux quêtes : quête de l’essence de la création à travers le pouvoir de nomination ; recherche proustienne de son début dans sa fin.

L’inventaire de cet alphabet de symboles engendre l’invention de nouvelles figures, énonçant ainsi le problème insoluble de l’énumération d’un ensemble infini ne pouvant se résoudre que dans la découverte inespérée d’un Aleph, point de l’espace contenant tous les autres.

 

Evelyne Loux

Exposition(s) en lien :

  Wanderung / Promenade