Depuis de nombreuses années, le travail photographique de Fernande Petitdemange témoigne d’une passion peu ordinaire pour le monde des plantes, plus particulièrement celles qui proviennent de pays lointains, dont elle fixe les parties susceptibles d’être conservées après dessiccation dans des images noir et blanc, d’un velouté et d’une précision évoquant à s’y méprendre le dessin à la mine de plomb.
Cadrés en pleine page, isolés sur un large fond blanc, ces organes séparés de leur plante natale montrent une diversité de textures, des structures et des mouvements formels différenciés ou parfois voisins : du fait de son homogénéité chromatique, l’ensemble suggère davantage les multiples états d’une même matière végétale qu’un catalogue d’espèces dûment identifiées.
Ces photographies, de formats identiques, ne livrent nulle indication de la taille respective de leurs objets qui apparaissent dès lors comme des formes idéales, des « cas » d’une « déclinaison » de la langue par laquelle le végétal parle à nos yeux, nous exhibe en quelque sorte une galerie de portraits de famille indépendante dans sa distribution de toute classification botanique.
A moins que l’on ne préfère voir cette succession d’élans, de courbes, de divisions, orientés selon une verticalité ascendante ou descendante comme les moments fixés d’un feu d’artifice silencieux, jouant exclusivement sur de délicates nuances de gris.
Dans l’esprit et la démarche de Fernande Petitdemange, cette collection d’images, intitulée « Etrangers anonymes » déracine le végétal de son environnement, de la continuité organique de la Nature pour en faire des sculpture autonomes. Mais si la photographie parvient ainsi paradoxalement par sa fidélité même au réel à convertir ces fragments de plantes en « belles totalités » artistiques, ne serait-ce pas par sa capacité d’abstraire, pour le rendre évident, le dessin générateur de ces formes végétales et, par conséquent, de se faire le miroir exact et surprenant de cette « phytographie » naturelle ?
Bourse de la Ville de Colmar en 1996