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Nam June Paik

Le « mur vidéo » Internet Dream réalisé par Nam June Paik est un assemblage de 52 moniteurs. Sur le grand écran ainsi formé, des images électroniques provenant de trois sources vidéo défilent. Les quatre plus petites surfaces, au centre, tous constitués de neuf moniteurs, reproduisent la même image issue de la première source, présentée sous un angle différent. 16 moniteurs encadrent cet entrelacs et montrent en alternance une des deux images provenant des autres vidéos. À l’origine, cette œuvre a été commandée par RTL Television à Cologne pour la réception des bureaux de la chaîne de télévision. Celle-ci ayant déménagé à Berlin, elle a fait don de cette œuvre au ZKM de Karlsruhe.

Internet Dream fait partie de l’œuvre tardive de l’artiste d’avant-garde influent qu’était Nam June Paik. À partir de la fin des années 1980, Paik a réalisé une série de « murs vidéo » aux dimensions toujours plus impressionnantes dont le Fin de Siècle (1989), une installation vidéo comptant 201 moniteurs. Pionnier de l’art vidéo, Paik voyait dans la télévision la possibilité d’une participation active du spectateur d’une part et le potentiel d’une promotion de l’entente interculturelle d’autre part. Ainsi, après ses débuts dans la musique expérimentale et après avoir été auteur de happenings dans le cadre du mouvement Fluxus, Paik se consacra de plus en plus à la télévision dès le milieu des années 1960. Il se livra tout d’abord à des expériences électromagnétiques avec les téléviseurs, ensuite au developmment des technologies vidéo (il conçut l’un des premiers synthétiseurs vidéo avec le concours de l’ingénieur Shuya Abe), puis s’intéressa à la transmission par satellite à partir du milieu des années 1980. Le titre de cette œuvre témoigne de l’intérêt de Paik pour Internet. Déjà en 1974, il s’était prononcé en faveur de l’élaboration d’une « super autoroute électronique, un réseau de communication à haut débit », préfigurant ainsi Internet tel que nous le connaissons aujourd’hui. Dès le début des années 1990, Paik mis en service son premier site web, Fluxus Online.

Mesures de conservation

L’étude qui porte sur l’œuvre Internet Dream de Nam June Paik se distingue fondamentalement des autres œuvres étudiées dans le cadre du projet de recherche. Son installation vidéo ne relève pas du genre « born-digital art » (consulter le glossaire pour la définition), comme The Legible City de Jeffrey Shaw ou Raoul Pictor cherche son style... d’Hervé Graumann.

Ce sont les trois vidéos d’origine qui avec le splitter vidéo constituent le noyau de cette œuvre. À l’origine, trois lecteurs analogiques (lecteurs de disques laser) ont été utilisés pour reproduire les enregistrements sur les 52 moniteurs de la sculpture vidéo. Les disques laser de l’œuvre – intitulés « Cars », « Main Channel P2 » et « RTL Stars » – et les lecteurs ont été dans un premier temps remplacés par des DVD et un lecteur de DVD. Dans le cadre des préparatifs de l’exposition Nam June Paik – Œuvres de la collection du ZKM (23.10.2008 – 18.01.2009), les lecteurs ont été à nouveau remplacés et l’œuvre est depuis lors présentée à l’aide de lecteurs de cartes flash.

Le splitter vidéo, également connu sous le nom de processeur multi vidéo, permet par exemple de reproduire un signal vidéo (source : lecteur de disque laser) sur une construction de 3 x 3 blocs d’appareils empilés les uns sur les autres, soit neuf moniteurs au total. Dans le cas d’Internet Dream, le splitter vidéo transmet le signal (« Main Channel P2 ») vers quatre blocs composés de neuf appareils, soit 36 moniteurs. Les vidéos « Cars » et « RTL Stars » sont projetées sur les 16 moniteurs restants (chaque vidéo étant diffusée sur huit moniteurs relayant un signal identique).

Au cours de l’étude empirique, il est apparu que le système de fractionnement d’Internet Dream constituait le point faible de l’installation. Le splitter vidéo utilisé depuis 1994 est un produit du fabricant sud-coréen DASH Systems. Or, il se trouve que ce fabricant a aidé Paik dans le cadre de la mise en œuvre technique de plusieurs de ses travaux (notamment MEGATRON/MATRIX [1995]), il est donc probable que cet équipement soit une fabrication spéciale. Déjà en 2008, des dysfonctionnements avaient pu être notés lors de la mise en arrêt des appareils. Cela signifie vraisemblablement qu’une panne risque de survenir prochainement.

Une prochaine adaptation technique de l’installation est pratiquement inévitable. Il sera nécessaire, dans le cadre de l’étude de cas, de rechercher une alternative au splitter vidéo, de l’examiner et de la tester pour savoir si elle peut répondre aux exigences du quotidien en musée. Comme les produits actuels résultent de technologies numériques plus performantes, l’installation vidéo Internet Dream ne pourra se soustraire à la révolution numérique. Chaque nouvelle mesure de conservation la rendra un peu plus numérique, ce qui ferait probablement sourire son créateur.

Les moniteurs CRT, qui ne sont désormais plus disponibles dans le commerce, représentent un défi considérable pour la conservation. Néanmoins, cela n’entre pas dans la problématique du projet et n’a donc pas été pris en compte dans le cadre de l’étude empirique.

Exposition(s) en lien :

  Digital Art Works. The Challenges of Conservation